Escalade au Toghra – Récit de stage N°3

Après un an d’attente et de multiple reports de date, nous voici enfin arrivés dans les gorges du Toghra, nos stagiaires étant impatients de partir à leur découverte. Ces gorges sont situées dans l’Atlas marocain, au Nord-Est de Ouarzazate, secteur phare de l’escalade dans les années 70/80 où des grimpeurs du monde entier venaient performer dans ce lieu magnifique.

Ce site a continué à se développer grâce aux nombreux grimpeurs étrangers qui sont venus équiper et rééquiper les voies (couenne) et les grandes voies, éditer des topos.
Il existe des centaines de voies de tous les niveaux, du 4ème au 8ème degré, chacun peut donc y trouver son plaisir. Malheureusement depuis quelques années ces gorges sont beaucoup moins fréquentées par les grimpeurs, les sites à la mode sont ailleurs, le site est un peu tombé dans l’oubli. Pourtant cet endroit regorge d’un potentiel d’ouverture énorme en matière d’escalade, car seuls 10 à 20 pourcents des falaises sont équipées.

Mais revenons à notre stage, et comme à chaque fois je laisse les stagiaires vous relater leur vécu de ces six jours de grimpe et de découverte de la culture berbère.

Un départ au aurore

Le groupe est arrivé à l’hôtel vers midi (heure locale). Après s’être installés dans leur chambre respective, nous nous sommes retrouvés autour d’un bon repas en discutant du programme qui les attendait.

“Départ samedi 15h00 de Rumilly, on récupère toute l'équipe sur la route, direction Marseille. Après 4 heures de route, on rejoint notre hôtel et nous finissons la journée dans un chouette resto Thaï au bord de la plage. La nuit sera courte, départ 6h50 en avion.

Le départ de France était prévu tôt le matin (6h) afin de pouvoir grimper dès l’après-midi. 

Arrivée à l’aéroport de Ouarzazate. Première épreuve, passer la douane. Après trois contrôles de passeport et 1h30 d'attente, nous retrouvons Omar, le dirigeant de l’hôtel où nous logeons, qui nous attend pour nous emmener vers notre destination, deux heures de route pour arriver jusqu’aux gorges. Les pommes qu’il a amenées sont les bienvenues pour nous faire patienter jusqu’au déjeuner.

Sur la route, il nous paye le café et nous met dans l'ambiance avec son hospitalité. L’hôtel est au top. Le repas, une omelette berbère, nous attend au bord de la piscine, vue sur la palmeraie et les montagnes ocres, typiques des gorges du Toghra. Le temps de digérer nous partons nous acclimater au rocher pour une petite session couenne dans les petites gorges (rive gauche). Les voies sont belles, le calcaire rouge bien adhérent. Après 3h de grimpe, on commence à montrer quelques signes de fatigue. On retourne à l’hôtel pour profiter des dernières heures de jour et savourons un thé à la menthe. Au dîner, nous dégustons un tajine de poulet aux citrons confits”

Jour 2 : un monde plutôt petit

En raison du peu de sommeil de la veille, nous décalons légèrement l’heure du lever afin de pouvoir récupérer et partir en forme pour cette nouvelle journée. Nous commençons la journée avec un petit déjeuner qui n’a rien à envier au délicieux et copieux dîner de la veille.  Puis direction « Les Jardins d’été ». Ce secteur présente de belles et nombreuses longueurs (jusqu’à 35m) dans le 5ème degré et le 6a, avec un équipement proche. Il a également l’avantage d’être à l’ombre le matin.
 

Sur place nous rencontrons un groupe d’anglais en stage « Escalade et Yoga ». Le site étant suffisamment vaste, cela n’est pas gênant.

Aux environs de midi, lorsque le soleil arrive sur le site, nous replions les affaires et marchons dans les gorges pour rejoindre un autre secteur « Plage Mansour ». Durant la traversée des Gorges, nous croisons de nombreux touristes surpris de nous voir avec notre matériel d’escalade, nous sommes pris en photos tel un monument local ! Le soleil étant encore présent sur le secteur de l’après-midi, nous en profitons pour prendre un thé à la menthe à l’ombre des palmiers tout en admirant les parois qui nous attendent.

Après une petite révision sur les manipulations de corde en grande voie, retour sur la paroi pour quelques performances. Lucas, toujours en forme par rapport à la veille, enchaîne une 6a et 6a+ ainsi qu’une belle montée dans un 6b court et teigneux.Éric, quant à lui, malgré son pessimisme, se surprend en enchaînant un 6a+ old school, fissure/dièdre.

En fin de journée, direction la ville de Tinghir pour faire quelques achats.
La boutique recommandée par l’hôtel étant malheureusement fermée ce jour-là, nous nous rabattons sur la visite du souk et l’achat de ravitaillement en cacahuètes et autres victuailles pour les apéros du soir.

“Un bon petit déjeuner (des dattes Boussecouf et m'sem) pour se donner des forces. On commence à grimper (couenne) au secteur jardin d'été, au cœur des impressionnantes gorges de Todra. Mise en bras dans les 5c, bien prisus, sur ce même rocher bien adhérent.

La température est idéale pour grimper avec un petit air frais...enfin tant que l’on est à l'ombre...Car à midi, le soleil pointe ses rayons et on plie vite les cordages pour aller chercher un nouveau secteur ombragé. Direction le secteur "plage Mansour. Comme le soleil est encore trop au zénith, on fait une petite pause sandwich puis thé marocain au bord de l'oued.

Pour se protéger des rayons du soleil, on monte une petite tente de fortune avec une bâche, quelques sangles, 2 dégaines et un bout de bois, afin de réviser nos manips de grande voie à l’ombre.

15h, le soleil passe derrière la paroi, on peut envisager de s'attaquer aux 6a. Éric part dans une 6a+, parfaitement adaptée à son style alpin, vieille école (bon vieux dièdre fissure), pendant que Sarah s'attaque à un bon 6a en dalle bien finaud. Hélène tente un deuxième 6a+, un peu plus d’itinéraire, âpre, 2 tentatives, un bon cri et plusieurs essais infructueux. Ce sera à Théo, alias notre perche humaine, d'aller récupérer le matos.

Finissant tôt la journée de grimpe, on va faire quelques emplettes au souk de Tinghir après avoir changé nos euros en dirhams.

Retour à l’hôtel pour un bon repas suivi de jeux avant un repos bien mérité et nécessaire pour la grande voie qui nous attend demain.”

Jour 3 : Plus c’est haut, plus c’est loin.

 

Troisième jour, direction la première grande voie pour l’équipe, un réveil un peu plus tôt afin de profiter au maximum de l’ombre.

Après les avoir parfaitement briefés sur les différentes longueurs et relais, je les accompagne en tant que photographe afin d’immortaliser cette magnifique ascension avec quelques belles images. L’équipe se divise en deux cordées : Éric, Hélène et moi sur la première cordée, Sarah et Lucas sur la deuxième.

Le projet du jour « Qui l’eut cru », 300m, 5c max, 10 longueurs.

Une grande voie bien équipée mais qui, vers la fin, présente des points d’ancrage de plus en plus loin, au point de se demander si nous sommes toujours dans le bon itinéraire. L’ascension se termine par une belle randonnée d’une heure et demie pour redescendre dans les gorges.

“Petit dej à 7h30. Certains ont un peu de mal à ouvrir les yeux. 8h30, direction jardin d’été pour le départ de la grande voie.... Les premières longueurs déroulent, on prend de la hauteur. Découverte du rocher de la GV, encore plus abrasif que les jours précédents. Pour la pose des pieds, c'est béton ! Par contre pour les mains, ça pique un peu. Les points sont un peu éloignés mais avec ce rocher qui accroche bien, ça passe sans trop de difficultés. 1er relais d’Éric réussi, au moins la concentration intense a évité de penser au vide ;)

On continue tranquillement. Quelques mélanges de cordes plus tard, on arrive vers 13h à la moitié de la voie sur un petit plateau, pique-nique gargantuesque, on peut enfin enlever les chaussons ! On repart après cette petite pause, un peu plus lourd, pour attaquer la 5c avec un petit pas et des points qui s'espacent un peu (surtout quand on en saute un par mégarde ...). La longueur suivante est une grande traversée, le tirage atteint des sommets. Éric et Lulu se mettent à deux pour ravaler les cordes !! La longueur suivante se passe bien, on arrive à un confortable relais, puis une longueur facile mais avec peu de points, surtout à partir du milieu de la voie (6 points au total pour 40 mètres). Partant en second et troisième, Hélène tente de rattraper Théo, jamais grimpée aussi vite !! Dernière longueur, facile mais la fatigue commence à peser, plus que le sac !! 1h10 de redescente sur un petit sentier, au milieu des blocs de rocher. On est tous rincés, mais bien contents ! Une petite pause, un bon repas, et même pas l’énergie pour un petit jeu ! Belle journée, paysages impressionnants et jolie grimpe !"

Jour 4 : Entre architecture et biodiversité 

Après les efforts fournis ces derniers jours, cette matinée de repos est la bienvenue. Nous en profitons pour visiter la magnifique Palmeraie de Tinghir réputée pour être l’une des plus grandes du Maroc. Une véritable oasis de verdure au milieu d’étendues de roches. Nous explorons une vieille Kasbah bâtie au cœur de cette palmeraie. Éric nous fait le plaisir de nous donner un petit cours d’architecture et des précisions sur les matériaux utilisés.

La Palmeraie est aussi une zone de culture pour les habitants. Elle est parsemée de multiples petites parcelles. Octobre est le mois de la récolte des dattes et nous observons les hommes perchés dans les palmiers en pleine récolte. L’arrêt au Café et le repas du midi ayant eu raison du groupe, il n’y aura pas d’escalade l’après-midi mais un tour à Tinghir où le magasin qui était fermé est cette fois-ci ouvert. Tout le monde en profite pour faire des emplettes : babouches, chèches et dattes locales.

“Journée culturelle, on va découvrir la palmeraie et l'architecture vernaculaire en terre crue. En pleine période de récolte des dattes, on tente notre chance sans monter dans le palmier...depuis le sol, après quelques essais infructueux, on poursuit la découverte... On se balade 2h30 dans la palmeraie pour finir en dégustant le thé et les dattes au restaurant de la source des poissons sacrés. De retour à l’hôtel et un repas à base de keftas, on hésite brièvement entre après-midi relâche ou session couenne. On opte pour l'option pause, une petit saut dans la piscine, une petite sieste, puis un tour shopping pour les babouches, dattes et autres spécialités. Cette journée nous aura permis de faire le plein d’énergie car demain une nouvelle grande voie nous attend."

Jour 5 : Une fissure comme au States

Journée consacrée à une nouvelle grande voie, mais nous perdons un membre de l’équipe souffrant d’un surplus de gastronomie locale.

Le projet du jour, autre classique des gorges : le pilier du couchant, 300m, 6a+ max, 9 longueurs.

Pour remplacer Lucas, nous prenons Fred qui m’accompagne sur le stage. Cette fois-ci, Éric et moi composerons la première cordée, Hélène, Sarah et Fred, la seconde. Un style plutôt fissure et dièdre, grande voie bien équipée mais qui requière tout de même un peu de prudence dans certains passages où le rocher est parfois instable. Après une première longueur un peu ardue, le reste de la voie est homogène.

Cette grande voie se terminant sur le même plateau que la précédente, nous redescendons par le même chemin que la dernière fois et retrouvons Lucas, plutôt reposé, en train de grimper avec une autre personne. 

Pour Lucas, au bout du rouleau, option alternative, réveil à midi, pause piscine, et en fonction de l’état une session de couenne l’après-midi avant de nous retrouver. On trouve son remplaçant au petit déjeuner, c’est Fred qui prend sa place sur la cordée.

8h45 au pied de la voie. Éric nous trace le chemin avec son sang.  Heureusement, Théo nous a laissé des sangles pour passer les quelques pas durs de cette 1ere longueur. On continue dans cette escalade old school entre pilier et fissures. La 2eme longueur est plus cool avec un petit pas vers le haut. La 3ème longueur, bien verticale mais plus courte, sur petites fissures bien crochetantes. Suivie d’une 4eme longueur et le retour des sangles, ouf !! On commence par une dalle puis un beau dièdre, peu de pieds. Tout le monde passe sans trop de difficulté. Le relais est positionné sur un pilier. A droite, le vide, à gauche le vide ! Impressionnant, d’autant que le vent nous accompagne. Allez on ne traîne pas ici et on double 5 et 6, qui sont assez faciles. On travaille le rythme. Le relais n’est pas confort, surtout à 4, on essaye d’éviter les sacs de nœuds…7ème longueur, balade au démarrage, et à la fin plutôt broussailleux sur la gauche, l’option d’Éric, ou un rétablissement sur la droite...Théo et Éric enchaînent 8 et 9 pour finir directement la voie. Hélène coupe par mégarde le volume du talkie, puis le remet, puis le rebaisse, bref la communication est intermittente.  Nous finissons tranquillement en 2 fois les 2 dernières voies. Fin de la voie vers 15h30. On grignote quelques fruits, puis redescente vers un thé réconfortant ! On termine cette belle journée par un repas un peu plus léger ;)

Jour 6 : Une immersion chez les berbères

Pour cette dernière matinée, nous retournons sur le site des petites gorges avec un objectif en tête, que tout le monde enchaîne un 6b. Cette fois-ci, c’est Éric qui nous abandonne pour une excuse de travail.
 
 Après un échauffement dans quelques voies, et des essais dans différents 6b, nous trouvons le bon pour l’équipe, un 6b plutôt court, 15m, de type dalle, avec des petites prises, nécessitant un bon équilibre. Après un premier essai de toute l’équipe, c’est Lucas qui enchaine en premier, suivi de Hélène, Sarah préférant aller essayer autre chose en moulinette afin de profiter de la variété des styles d’escalade. Pour répondre à une demande du groupe qui souhaitait manger « un tajine bouis-bouis », l’hôtel nous a organisé un repas chez l’habitant. Nous sommes donc allés déjeuner dans une famille berbère, une véritable immersion culturelle.

Le tajine a été remplacé par un délicieux couscous aux légumes (du potager), la viande étant chère pour les locaux, préparée par les femmes le matin même. Nous poursuivons l’après-midi dans le jardin de l’hôtel, à côté de la piscine, pour un atelier pratique sur la mise en place des différents secours possibles en grande voie afin d’aider un second en difficulté.

“Et dernier jour de notre séjour. Pour bien se finir, on part sur une session couenne pour performer ! Objectif 6b !! On commence bien au frais dans les petites gorges. On se réchauffe progressivement, 5c, 6a, étonnamment, les points ne semblent plus si loin...La fatigue cumulée est là, mais on se motive. Les amis sont là pour nous encourager et notre guidos nous a bien marqué l'itinéraire avec des tickets judicieusement placés ! Alors on y va ! 6b tout en délicatesse et en douceur, 6b (le 2eme est plus technique on y va donc en moulinette). Bien satisfaits de notre séance, nous rentrons à l’hôtel pour rejoindre Éric qui a opté pour une matinée plus laborieuse tout en ménageant son vieux corps brisé ;).

 Après un petit décrassage, nous partons déguster un couscous dans une famille berbère. Malgré une communication sommaire, nous sommes accueillis avec de grands sourires et un énorme couscous...Puis notre hôte nous emmène admirer ses animaux, quelques brebis sur leur garde et une magnifique vache.

Nous rentrons à l’hôtel pour préparer nos sacs, faire une petite pause bien méritée, avant de revoir quelques manipulations de secours...Et oui, on ne sait jamais ce qui peut arriver...Il faudra réviser de temps en temps ;). On prépare nos sacs de retour. L'heure de notre dernier repas marocain arrive déjà. Un T'dghia un délice !!! Ce soir on va se coucher tôt car le réveil est prévu pour 3h du mat.…Pas de grass mat pour les grimpeurs !

Jour 7 : Un départ à la rallonge

Epilogue : Les km entre Tinghir et Ouarzazate passent bien vite et la discussion avec Omar va bon train.

7h50 ...décollage...prévu…il est maintenant quasiment 9h et l’avion semble avoir besoin d'une révision complète....

Au final, 6h30 de retard, avec une organisation au moins à la hauteur de la SNCF (pas d'infos et une micro bouteille d’eau). Un nouvel avion légèrement rouillé est dépêché pour venir nous chercher et faire la liaison avec Casablanca.

Correspondance ratée, toujours pas d'infos sur la suite...Tous les passagers sont un peu perdus. Arrivés dans l'aéroport, on comprend qu'il y a un problème avec le passeport d'Hélène, à priori un coup de tampon en trop qu'il va falloir annuler. A voir la tête des douaniers, c'est un nouveau cas de figure...Il faut ressortir sur le Tarmac, prendre un bus, refaire la queue. Ah non, finalement il faut aller voir les chefs, ils ont l'air de découvrir le problème. Bon, on va chercher un autre chef qui finit par prendre l'initiative de récupérer les passeports sur-tamponnés pour régler la situation et revient 5 minutes...euh 40 minutes plus tard...Faut-il refaire la queue pour vérifier les passeports...Non ça va ;) Et, au fait, on peut récupérer les sacs à dos ? Non ...tant pis. On arrive à l’hôtel ! Youpi douche express et direction les Habous (sur les bons conseils de Théo and family). On se jette sur la pâtisserie, superbe, on se sent chez soi, tous les gâteaux nous font saliver, on craque ! On fait le plein !

Puis visite de ce quartier populaire et très animé, nous tombons sur les boucheries en plein air, la tête de chameau nous regarde avec ses yeux globuleux, alors finalement petit thé, quelques achats, et on repart pour un dîner qui n’a plus rien de marocain, on regrette déjà Mohammed, le cuistot de l’hôtel ;)

Ça y est la fin !

Quel beau séjour ! Grand merci à notre Guidos, Fred, Kathy, Omar,  Hakim...c'était top! On va reconstituer notre peau (on a parfois eu l'impression de grimper un porc-épic) et bien s'entraîner pour revenir plus fort au Maroc.